Voici une sélection de textes, glanés au fil de nos lectures, rencontres. Si vous trouvez d’autres perles de ce style, n’hésitez pas à nous les transmettre : contact@cheminsdessaintes.fr.

Éloge du pèlerinage

La marche est alchimie, elle est métamorphose. Le moine thérapeute Anselm Grün remarquait d’ailleurs qu’en allemand, marcher (wandern) et se transformer (wandeln) ont la même racine : devenir (werden). La marche est, par essence, changement, progression, purification. Elle est le creuset où se consument les impuretés pour raboter le corps et purifier l’âme.

Gaële de la Brosse Eloge du pèlerinage Salvator 2021

Du bon usage des crises

  • Lève-toi ! Marche ! Debout !

  • Mais je suis déjà debout !

  • Non, mets-toi encore debout dans ce que tu crois être debout ! Ouvre les yeux !

  • Mais j’ai déjà les yeux ouverts !

  • Ouvre les yeux dans les yeux que tu crois avoir ouverts…

Christiane Singer Du bon usage des crises Albin Michel 2001

S'empayser des autres

Et si marcher n’était qu’aller à sa rencontre pour mieux s’empayser des autres ? S’enivrer du pollen d’autrui. Ne pas craindre les allergies. La sève est toujours neuve, les fleurs ne savent pas mentir, et la lumière fait son miel de tout ce qu’elle touche. Tant de beauté ! Comment s’y habituer, en faire un ordinaire ? […] Seul avec tous, frère des choses, à écouter sans fin venir les pas de Dieu… A la suite de Robert Louis Stevenson, « quand vous marchez, laissez vos pensées prendre la couleur de ce que vous voyez ».

Gilles Baudry, moine et poète, extrait La Croix, hebdo 2021

Marcher, une philosophie

La marche, on n’a rien trouvé de mieux pour aller plus lentement. Pour marcher, il faut d’abord 2 jambes. Le reste est vain. Aller plus vite ? Alors, ne marchez pas, faites autre chose : roulez, glissez, volez. Ne marchez pas. Et puis, marchant, il n’y a qu’une performance qui compte, l’intensité du ciel, l’éclat des paysages. Marcher n’est pas un sport.

Mais une fois debout, l’homme ne tient plus en place.

Frédéric Gros Marcher, une philosophie Flammarion 2008

Par des sentiers d'intime profondeur

Marcher, un verbe dynamique, entraînant : aller, cheminer, arpenter, avancer, déambuler, enjamber des obstacles, filer ou flâner, m’élancer vers un but ou vagabonder, trottiner ou bondir, emprunter le pas d’un ami mais oser partir en reconnaissance. […] quitter nos sécurités pour aborder d’autres rives que celles fréquentées en raison de notre éducation, de notre milieu social, de notre environnement. […] Oser quitter le rivage rassurant pour aller vers l’autre rive qui me hèle.

Colette Nys-Mazure Par des sentiers d’intime profondeur Salvator 2022

Toi qui chemines

Caminante, no hay camino,           Toi qui chemines, il n’y a pas de chemin

Todo pasa y todo queda,               Tout passe et tout reste

Pero lo nuestro es pasar                Mais il nous revient de passer

Pasar haciendo caminos                Passer en faisant des chemins

Caminos sobre el mar ( …)            Des chemins sur la mer ( …)

 

Caminante, son tus huellas,         Toi qui chemines, ce sont tes traces,

El camino y nada más ;                  Le chemin et rien de plus ;

Caminante, no hay camino,         Toi qui chemines, il n’y a pas de chemin,

Se hace camino al andar.             Le chemin se fait en marchant

 

Al handar se hace camino              En marchant le chemin se fait

Y al volver la vista atrás                 Et quand on se retourne pour voir

Se ve la senda que nunca              On voit le sentier que jamais

Se ha de volver a pisar ( …)           L’on n’aura plus à fouler ( …)

Antonio Machado (poète espagnol XX°) Campos de Castilla 1912

L'offrande lyrique

Le même fleuve de vie qui court à travers mes veines nuit et jour court à travers le monde et danse en pulsations rythmées.

C’est cette même vie qui pousse à travers la poudre de la terre sa joie en innombrables brins d’herbe, et éclate en fougueuses vagues de feuilles et de fleurs.

C’est cette même vie que balancent flux et reflux dans l’océan-berceau de la naissance et de la mort.

Je sens mes membres glorifiés au toucher de cette vie universelle. Et je m’enorgueillis, car le grand battement de la vie des âges, c’est dans mon sang qu’il danse en ce moment. 

Rabindranath Tagore L’Offrande lyrique Poésie/Gallimard 1971

L'assise et la marche

Marcher comme un touriste, c’est marcher sur l’écorce de la terre. Marcher comme un randonneur, c’est en connaître la sève, entrer dans le mouvement, l’énergie même de l’univers, et revenir le soir avec des odeurs de nature, de forêt traversée, peut-être de sanglier dont on suit les traces… Marcher comme un pèlerin, c’est marcher proche du souffle qui est dans la sève, avec ce qui informe la sève et donne à l’arbre son écorce, sa droiture vive au bord du chemin.

Il ne s’agit pas d’opposer l’écorce, la sève et le Souffle, le touriste, le randonneur, le pèlerin, mais simplement de rappeler que la terre sainte est sous nos pas.

Jean-Yves Leloup L’assise et la marche Albin Michel 2011

Psaume 121

[…] Le Seigneur est ton gardien,

Le Seigneur est ton ombrage.

Il est à ta droite.

De jour, le soleil ne te frappera pas,

ni la lune pendant la nuit.

Le Seigneur te gardera de tout mal.

Il gardera ta vie.

Le Seigneur gardera tes allées et venues,

dès maintenant et pour toujours.

Psaume 121

Contes des sages pèlerins

(Epuisé et affamé, un novice peine à marcher derrière son maître spirituel)

« Le zen est un chemin qui va… » Il comprend soudain la signification des paroles du maître. Il comprend que chaque pas sur ce chemin contient l’éternité et que la sagesse ne se trouve pas dans le but, mais dans le chemin lui-même. Il comprend que la vérité de leur voyage se trouve dans chaque pas. Alors, tout grelottant et affamé qu’il soit, il se met à sourire et son allure se raffermit dans le sillage du maître.

Conte tibétain dans Contes des sages pèlerins Seuil 2012

J'avance sur ma route

J’avance sur ma route avec

La force de Dieu comme appui,

La puissance de Dieu pour me protéger,

La sagesse de Dieu pour me diriger,

L’œil de Dieu pour me guider,

L’oreille de Dieu témoin de mon langage.

Saint Patrick IV° siècle

Dans la beauté je marche

Dans la beauté je marche

Avec la beauté devant moi, je marche.

Avec la beauté derrière moi, je marche.

Avec la beauté au-dessus de moi, je marche.

Avec la beauté au-dessous de moi, je marche.

Avec la beauté tout autour de moi, je marche.

Tout est fini dans la plénitude.

Tout est fini dans la plénitude.

Chant traditionnel navajo Sagesse des Indiens d’Amérique Table ronde 1995